Le SECO gagne le Sabot d’Or 2020, «spécial corona»

Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) est le lauréat de l’édition 2020 du Sabot d’Or, une édition exclusivement réservée, cette année, à des thèmes liés au coronavirus. Son refus de faire la transparence sur les crédits octroyés à certaines branches de l’économie lui vaut d’avoir été choisi par les membres de l’association investigativ.ch, parmi quatre candidatures. Depuis huit ans, la «récompense» est octroyée à une personne ou une institution qui s’est distinguée pour avoir empêché l’accès à des informations d’intérêt public. En assemblée virtuelle, l’association s’est en outre dotée d’une nouvelle présidence.

Malgré une recommandation très claire du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT), le SECO a, ces derniers mois, refusé de dire qui avait reçu des crédits corona. L’organisation Greenpeace avait demandé des informations précises sur des montants accordés à quelque 100’000 entreprises pour un montant total de 17 milliards de francs. Mais le SECO a refusé, même sous forme anonymisée. Beaucoup d’éléments de ce crédit historique restent donc toujours cachés au grand public.

Soumis au vote des membres d’investigativ.ch, le SECO a été choisi parmi des candidats très sérieux. Ainsi, Daniel Koch, ancien «Monsieur corona» de Suisse, était également nominé, en raison de ses affirmations pour le moins peu claires sur le masque chirurgical, tout comme l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en tant que tel, pour ne pas être en mesure de livrer rapidement des chiffres fiables sur la pandémie. Enfin, l’Administration fédérale des douanes (AFD) était aussi nominée, car elle n’a pas voulu fournir les bases légales de sa pratique en matière d’amendes à la frontière.

Pour Georg Humbel, membre du Comité d’investigativ.ch, la «victoire» du SECO a représenté une surprise. Mais cette décision montre bien dans quels domaines les journalistes suisses doivent se battre, explique-t-il. La difficulté d’obtenir des informations, même si elles ne sont pas spectaculaires, est une expérience quotidienne.

Réagissant au choix des membres de l’association, le SECO s’est justifié en disant qu’il n’avait pas disposé des informations demandées au moment de la demande de Greenpeace. «Et même si nous les avions eues, nous n’aurions pas eu le droit de les publier» car elles relèvent du secret d’entreprise. Le SECO a refusé de recevoir le prix.

Ce huitième Sabot d’Or marque par ailleurs le départ de Georg Humbel du Comité d’investigativ.ch. Autre départ: la présidente Serena Tinari a quitté le Comité et la présidence de l’association, après cinq années à cette fonction. Elle continuera à œuvrer investigativ.ch au sein de son Conseil consultatif.

Pour leur succéder, les délégués d’investigativ.ch ont élu Cathrin Caprez, déjà membre du Comité, et le nouveau venu Marc Meschenmoser à une co-présidente. Marc Meschenmoser entrera en fonction l’été prochain. D’ici là, Cathrin Caprez assumera la présidence seule mais elle sera épaulée par l’actuel vice-président Martin Stoll. Le Comité est désormais complet avec l’élection de Timo Grossenbacher.

La remise du Sabot d’Or a eu lieu dans le cadre de la conférence annuelle d’investigativ.ch, qui a eu lieu le 30 octobre au Werkhof de Fribourg, sans public, mais retransmise en direct et consultable en tout temps sur internet. Un débat a été enregistré sur le thème de l’enquête journalistique en temps de pandémie, avec de passionnantes interventions de Lise Bailat, (correspondante parlementaire de 24heures, de la Tribune de Genève et du Matin Dimanche), de Bernhard Odehnal (cellule d’enquête Tamedia), et du journaliste libre Sami Zaïbi, qui a récemment publié sur le site Heidi.news une enquête très remarquée après avoir passé deux mois avec un groupe de complotistes.

Investigativ.ch

Née en 2010, l’association investigativ.ch compte quelque 300 membres. Elle permet aux journalistes d’investigation ou intéressés par l’enquête de se connaître, de collaborer et de partager des techniques et des moyens de surmonter les obstacles survenant dans la pratique du journalisme d’investigation. Elle organise régulièrement des ateliers de travail et des conférences avec des expertes et des experts.