Retour sur la conférence annuelle 2023

Des discussions passionnantes, des ateliers instructifs et un échange au-delà des frontières rédactionnelles: la grande conférence annuelle d’investigativ.ch, le vendredi 9 juin 2023 à Berne a été consacrée au journalisme politique dans une période sensible.

Photos: Ⓒ Raphael Hünerfauth

2023 est l’année des élections fédérales. C’est pourquoi le réseau d’enquête investigativ.ch a consacré sa conférence annuelle au journalisme politique: comment les journalistes enquêtent-ils sur les parlements et les autorités? Quel regard portent-ils sur les hommes et les femmes politiques? Et comment peuvent-ils obtenir des informations exclusives avec des moyens limités tout en poursuivant leur travail quotidien?

En dépit d’un temps estival, une cinquantaine de personnes venues des quatre coins de la Suisse et des rédactions les plus diverses se sont retrouvées à Berne pour cet événement. «Nous sommes ravis de voir que, dans ce pays, tant de journalistes d’investigation engagés travaillent à mettre en lumière des dysfonctionnements», a déclaré le co-président Marc Meschenmoser.

Pandémie, guerre et inflation préoccupent les journalistes: «Nous vivons une période politiquement explosive. Il est d’autant plus important qu’un journalisme de qualité surveille la politique de près», a souligné Franziska Ramser, l’animatrice de SRF Rundschau, dans son exposé d’ouverture.

Lors des ateliers qui ont suivi, les participants ont reçu de précieux conseils pratiques et des informations sur les méthodes d’investigation. Martine Clerc de la RTS a par exemple expliqué comment elle avait découvert l’affaire fiscale de Valérie Dittli, conseillère d’Etat vaudoise domicilée à Zoug jusqu’à son élection, malgré son engagement politique – un exemple important qui montre que les professionnels des médias doivent s’intéresser de près au personnel politique.

Matieu Klee, correspondant de la SRF au Palais fédéral, qui a fait parler de lui grâce à ses enquêtes pour le Regionaljournal Basel-Baselland, a montré ce qui est important dans le journalisme local.

Raphael Rohner, du St. Galler Tagblatt, a expliqué comment il avait découvert le scandale du plagiat à l’Université de Saint-Gall, qui a fait les gros titres dans tout le pays.

Le panel avec deux expertes de la scène politique suisse a également été passionnant: Sermîn Faki et Nicole Lamon ont montré qui tire les ficelles dans la Berne fédérale – et comment les journalistes enquêtent à ce sujet. Sermîn Faki est cheffe de la rubrique politique de Blick et journaliste au Palais fédéral depuis de nombreuses années. Nicole Lamon a également été journaliste politique par le passé, puis responsable de la communication du conseiller fédéral Alain Berset avant de revenir au journalisme. Elle est cheffe de la rubrique Suisse du Temps depuis le début du mois.

La manifestation a été complétée par un apéritif de réseautage – et par un invité surprise: le caricaturiste Silvan Wegmann, connu sous le nom de Swen, a montré comment journalisme et l dessin de presse s’enrichissent mutuellement. Et que la satire assume une fonction importante, notamment en période politiquement difficile.

Eva Hirschi, directrice d’investigativ.ch, se réjouit du grand intérêt porté à la conférence annuelle: «Nous constatons toujours à quel point l’échange par-delà les frontières rédactionnelles est apprécié et nous nous réjouissons de voir combien est grande la volonté de transmettre le savoir afin que nous puissions tous apprendre les uns des autres».

Invitation à notre conférence annuelle 2023

La parole est d’argent, mais l’enquête est d’or! Le journalisme en période politiquement sensible.

2023 est l’année des élections fédérales. C’est pourquoi nous consacrons notre conférence annuelle au journalisme politique: comment les journalistes enquêtent-ils sur les parlements et les autorités? Quel regard portent-ils sur les hommes et femmes politiques? Et comment peuvent-ils mettre l’accent sur leur propre travail et obtenir des informations exclusives avec des moyens limités? Un programme avec des invités de haut niveau, des ateliers, des discussions et un apéritif de réseautage vous attend à Berne.

Y participeront notamment Franziska Ramser (introduction), Nicole Lamon et Sermîn Faki (journalisme parlementaire), Martine Clerc («affaire Dittli»), Raphael Rohner (scandale de plagiat à la HSG) et Matieu Klee (mener à bien des enquêtes locales)

Date: Vendredi, 9 juin 2023

Lieu: salle «Kleine Bühne» au PROGR à Berne (6min de la gare; Waisenhausplatz 30, 3011 Berne)

Horaire: Assemblée générale à partir de 13h15, conférence annuelle de 14h15 à 17h00, suivi d’un apéritif.

PROGRAMME

13h15Assemblée générale (uniquement pour les membres)
14h00Accueil
14h15-14h45Exposé de Franziska Ramser, journaliste à la «Rundschau» de SRF
Indiscrétions, conseillers en communication politique et puissance de la base de données commerciale: l’animatrice de SRF Rundschau, Franziska Ramser, évoque les astuces et les pièges de l’investigation politique – et pourquoi nous en avons un besoin urgent, surtout en cette année électorale.
15h00-15h45Ateliers:

– Kleine Bühne: L’affaire Dittli: Martine Clerc (RTS) en français
L’affaire Valérie Dittli a été l’une des grandes révélations politiques de l’année dernière. Et un excellent exemple de la nécessité pour nous, journalistes, d’enquêter sur le personnel politique. L’une des journalistes de la RTS qui a révélé l’affaire raconte comment elle a procédé pour son enquête. Animation: Eva Hirschi

– Stube: Mener à bien des enquêtes locales: Matieu Klee (SRF) en allemand
Les enquêtes de Matieu Klee pour le «Regionaljournal Basel-Baselland» ont toujours fait parler au-delà de la région, notamment en ce qui concerne les dysfonctionnements de l’organisme de contrôle du travail au noir. En tant que rédacteur du Beobachter, Matieu Klee s’était engagé autrefois pour que ce magazine riche en traditions cultive à nouveau le journalisme d’investigation. Lors de cet atelier, l’actuel rédacteur du Palais fédéral montre ce qui est important dans le journalisme local. Animation: Sven Altermatt
15h45-16h15Pause café
16h15-17h00Ateliers:

– Kleine Bühne: Journalisme parlementaire: Nicole Lamon (Le Matin Dimanche, prochainement Le Temps) et Sermîn Faki (Blick) en français et en allemand
Nous discutons avec deux expertes de la scène politique suisse. Sermîn Faki et Nicole Lamon montrent qui tient les ficelles dans la Berne fédérale – et comment les journalistes enquêtent à ce sujet. Sermîn Faki est cheffe de la rubrique politique du Blick et journaliste au Palais fédéral depuis de nombreuses années. Nicole Lamon a également été journaliste politique par le passé, a ensuite été au Palais fédéral en tant que responsable de la communication du DFI et est revenue au journalisme. Elle est actuellement rédactrice en chef adjointe du Matin Dimanche et rejoindra Le Temps en juin en tant que cheffe de la rubrique Suisse. Animation: Sven Altermatt et Eva Hirschi.

– Stube: Scandale de plagiat à l’Université de Saint-Gall: Raphael Rohner (St.Galler Tagblatt) en allemand
Raphael Rohner, reporter au St.Galler Tagblatt, a révélé le scandale du plagiat de la HSG qui a fait les gros titres dans tout le pays: à l’université de Saint-Gall, un professeur et co-directeur d’institut aurait systématiquement copié ses étudiants/confrères. Et ce n’est pas tout: le chercheur aurait également publié en son nom des dizaines de travaux de ses étudiants. Raphael Rohner explique comment il a découvert la supercherie de cet homme et à quels obstacles il s’est heurté. Animation: Fiona Endres
17h00Trait de la fin & apéritif

INSCRIPTION

Le nombre de places pour la conférence annuelle est limité. Merci de vous inscrire rapidement.

Coût: 25.- pour les membres, 50.- pour les non-membres (à verser sur CH51 0900 0000 8506 3384 1).

MV & Jahreskonferenz 2023
Sprache / Langue
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Ich nehme am anschliessenden Apéro (um 17 Uhr) teil. / Je participe à l'apéritif (à 17h).
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Plan d’action national pour la sécurité des journalistes

L’OFCOM élabore, en étroite collaboration avec la branche des médias, un plan d’action national (PAN) pour la sécurité des journalistes en Suisse. investigativ.ch y a participé.

Des menaces et des violences à l’encontre des journalistes existent même en Suisse. Dans l’espace numérique en particulier, nombre d’entre eux subissent une hostilité qui peut aller jusqu’au discours de haine. Conformément à une résolution du Conseil de l’Europe, l’OFCOM a publié, le 3 mai 2023, journée internationale de la liberté de la presse, un plan d’action nation pour la sécurité des journalistes.

L’objectif général du plan d’action est d’inscrire le thème de la sécurité des journalistes à l’agenda public, d’attirer l’attention sur les problèmes auxquels sont confrontés les journalistes et de sensibiliser la société et les milieux politiques au rôle central des médias pour le bon fonctionnement de la démocratie en Suisse.

Le plan d’action se concentre sur les quatre principaux souhaits des journalistes:

  • Une meilleure reconnaissance du rôle et du métier des journalistes
  • Une meilleure protection contre les menaces et les discours de haine en ligne
  • Une meilleure protection physique
  • Une meilleure compréhension des poursuites abusives contre les journalistes (appelées « poursuites-bâillon »)

En savoir plus.

Atelier Lobbywatch & investigativ.ch

Atelier avec investigativ.ch

2023 est l’année des élections fédérales. Comment en savoir plus sur les candidat-e-s? Qui est lié à quelle entreprise, qui siège à quel conseil d’administration? Lobbywatch est une plateforme de renseignement importante quant aux liens d’intérêts des parlementaires fédéraux. Sur lobbywatch.ch, les journalistes trouvent tous les mandats des député-e-s et, dans de nombreux cas, la rémunération qui y est liée.

Dans l’atelier consacré à la couverture politique en année électorale, l’association Lobbywatch montrera comment elle travaille et quelles sources elle utilise. Dans une partie pratique, nous enquêterons ensemble sur les liens d’intérêt d’un membre du Parlement. De plus, un spécialiste des données nous montrera comment utiliser les données de Lobbywatch de manière ciblée pour des articles et des infographies.

En outre, pour la première fois cette année électorale, les partis et les candidat-e-s doivent déclarer la provenance et le montant des contributions qu’ils reçoivent. Comment les journalistes peuvent-ils utiliser la transparence du financement politique dans de nouvelles approches d’investigation? Et quelles zones d’ombre subsistent malgré tout? C’est de tout cela dont nous parlerons le 19 avril à Lausanne avec Daniel Hasler, du Contrôle fédéral des finances, qui nous présentera la nouvelle législation et répondra à nos questions.


Date: 19 avril 2023 à 18 heures

Lieu: CFJM, Auditoire de la MDLC au 1er étage, Av. de Florimont 1, Lausanne

Participation : gratuite, mais inscription obligatoire via le formulaire ci-dessous.

Merci d’apporter vos ordinateurs pour la partie pratique.

Inscription: entrée libre mais inscription requise via le formulaire suivant:

Inscription Atelier Lobbywatch & investigativ.ch
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Le Conseil national veut protéger la liberté de la presse dans la loi sur les banques

La loi sur les banques ne doit pas restreindre la liberté de la presse. Le Conseil national a adopté une motion en ce sens après l’affaire Suisse Secrets.

Les choses bougent: la couverture médiatique de la place financière suisse ne doit être entravée ni par la dissuasion ni par des sanctions pénales, pour autant que les journalistes agissent de bonne foi. C’est ce que pense le Conseil national qui, lors de la session de printemps, a approuvé par 113 voix contre 78 une motion de sa commission de l’économie. Les représentants du Centre et de l’UDC s’y sont opposés.

L’élément déclencheur a été l’affaire des Suisse Secrets, une enquête collective sur une fuite de données de Credit Suisse à laquelle ont travaillé plus de 160 journalistes du monde entier – à l’exception de la Suisse. Si les journalistes suisses n’y ont pas participé, c’est qu’ils auraient risqué une procédure pénale en vertu de l’article 47 de la loi sur les banques en cas de publication de documents bancaires secrets et une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans ou une amende.

Selon Irene Khan, rapporteuse de l’ONU sur la liberté de la presse, cet article viole les droits de l’homme et la liberté de la presse (voir notre article de blog sur ce sujet). «Dans sa forme actuelle, la loi sur les banques empêche les journalistes en Suisse de rendre compte des événements et des développements critiques concernant la place financière, déclare Cathrin Caprez, co-présidente d’investigativ.ch. Les médias ne peuvent ainsi pas remplir leur mission démocratique et politique sans être menacés de sanctions pénales. L’exemple des Suisse Secrets et les derniers développements autour de Credit Suisse montrent où cela peut mener. Il est donc urgent d’adapter la loi sur les banques!»

Investigativ.ch salue donc l’adoption de la motion qui a reçu le soutien du Conseil fédéral. Celui-ci s’est dit prêt à examiner si la loi sur les banques doit être adaptée. L’objet passe maintenant au Conseil des Etats.

SAVE THE DATE: AG & conférence annuelle le 9 juin

Nous sommes en train d’élaborer une fois de plus un programme passionnant et, nous l’espérons, instructif avec des invité-e-s renommé-e-s, des ateliers, des discussions et un apéritif de réseautage! Notez déjà la date dans votre agenda, plus d’informations suivront bientôt.

Le Sabot d’or 2022 décerné à la directrice de l’OFSP Anne Lévy

Les contrats de vaccins caviardés ne sont qu’un exemple des obstacles mis à l’accès aux informations de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). C’est la raison pour laquelle le réseau d’enquête investigativ.ch a décerné le Sabot d’or à sa directrice, Anne Lévy.

Que la confiance en les autorités en temps de pandémie passe par la communication d’informations exactes au public devrait aller de soi dans un Etat démocratique comme la Suisse. Or l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) s’est comporté comme si ce n’était pas le cas: pendant la pandémie de Covid-19, il a traité la loi sur la transparence avec négligence, préférant caviarder plus que nécessaire les documents qu’il a publiés avec hésitation et n’a pas suivi le modèle de bonne pratique d’application de la loi exposé par le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence et les tribunaux.

C’est la raison pour laquelle le réseau d’enquête investigativ.ch a décerné le Sabot d’or 2022 à la directrice de l’OFSP Anne Lévy. «Les journalistes d’investigation se sont régulièrement fait promener par l’OFSP. Certains attendent encore et toujours des documents demandés à l’Office fédéral de la santé publique», explique Marc Meschenmoser, co-président d’investigativ.ch.

Ce sont les contrats de vaccins caviardés à grande échelle par l’OFSP qui ont marqué la mémoire collective. Au lieu de faire preuve de transparence, comme l’avaient demandé les journalistes, les parlementaires et des particuliers, l’OFSP a fourni au public des pages largement caviardées. Le préposé à la transparence Adrian Lobsiger a ouvertement critiqué la manière dont l’OFSP a répondu aux demandes des journalistes et d’un avocat: l’office a renvoyé de manière globale aux dispositions d’exception de la loi et n’a pas pris la peine d’expliquer dans le détail en quoi une divulgation aurait pu être préjudiciable et contraire à la loi. En outre, presque deux ans après la première demande d’accès, l’autorité fédérale n’avait toujours pas consulté les entreprises concernées comme elle aurait dû le faire.

Deux autres cas illustrent les relations ambiguës que l’OFSP entretient avec le public: en septembre 2021, le magazine des consommateurs K-Tipp s’est efforcé d’obtenir des données sur la teneur en CO2 mesurée par l’office dans cent écoles. L’OFSP a refusé pendant neuf mois de donner accès aux mauvais résultats des mesures. Là encore, l’Office a argué d’une clause de confidentialité (inadmissible) qui aurait été conclue avec les écoles. Après que K-Tipp a critiqué le travail de l’Office, le service de communication a envisagé de sanctionner la publication en faisant en sorte que les demandes du magazine soient «traitées moins prioritairement à l’avenir» – une violation flagrante du principe d’égalité de traitement.

La rédaction d’enquête de K-Tipp/saldo a également exigé, sur la base de la loi sur la transparence, la publication de documents sur les modèles de prix et les remboursements de médicaments. Lors d’une séance de conciliation en juillet 2022, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a soutenu cette demande et recommandé de rendre les prix publics. Mais le département du conseiller fédéral Alain Berset veut désormais inscrire dans la loi le secret des négociations sur le prix. Bien avant que le Parlement en ait discuté, l’OFSP empêche déjà l’accès à ces documents importants et oblige les journalistes, pour des raisons politiques, à passer par des procédures judiciaires.

«Le public doit pourtant être en mesure de comprendre et de contrôler le prix des médicaments et les pratiques d’autorisation de l’Office fédéral de la santé publique. Il existe un large consensus social sur le fait que les coûts de la santé doivent être transparents», relève Marc Meschenmoser.

«Nous critiquons le manque de transparence de l’Office fédéral de la santé publique et regrettons que sa directrice, Anne Lévy, n’ait pas accepté de recevoir personnellement le Sabot d’or et de répondre à nos questions», a déclaré le co-président d’investigativ.ch lors de la remise du prix le 21 novembre à Zurich.

Le Sabot d’or a donc été décerné en l’absence de la lauréate. «Nous considérons que les critiques formulées dans votre lettre ne sont clairement pas pertinentes. Ainsi, nous vous renvoyons volontiers au fait que l’OFSP a répondu à tout moment, par une pratique favorable à la transparence, à l’intérêt très compréhensible du public et des journalistes, notamment en période de pandémie», a déclaré Anne Lévy dans sa prise de position.

«Prix de la honte»

Le réseau d’enquête des journalistes d’investigation décerne chaque année depuis 2014 un Sabot d’or comme «prix de la honte» aux plus grands empêcheurs d’informer. Avec ce prix, investigativ.ch veut attirer l’attention sur les entraves à l’information et en faire un sujet de débat.

Cette année, le comité d’investigativ.ch avait sélectionné trois candidats de premier plan parmi les nombreuses propositions. Outre Anne Lévy, le directeur de Swisstransplant qui gère le registre national du don d’organes, Franz Immer, et le conseiller d’Etat schaffhousois Walter Vogelsanger ont été retenus (nominations et prises de position détaillées sur le site Internet). Les membres d’investigativ.ch ont ensuite voté pour déterminer le lauréat du Sabot d’or 2022.

Depuis sa création, le Sabot d’or est revenu au conseiller aux Etats Thomas Hefti, à l’Office fédéral de l’agriculture, au conseiller en relations publiques Sacha Wigdorovits, à l’ancienne présidente du Conseil national Christa Markwalder, au Tribunal pénal fédéral, au conseiller national valaisan UDC Jean-Luc Addor, à l’industriel Jørgen Bodum et au Seco.

Retour sur la première Swiss Tech Journalism Conference

La conférence organisée à Berne par l’association investigativ.ch et le média alémanique Republik sur le journalisme technologique a suscité un grand intérêt. Elle a démontré l’importance d’enquêter sur ces thématiques.

Photos: Ⓒ Raphael Hünerfauth

Le journalisme technologique n’est plus un sujet de niche. En témoigne l’affluence de la salle Käfigturm, au cœur de la Berne fédérale, pour accueillir la Swiss Tech Journalism Conference, la première conférence dédiée au journalisme technologique. Le lieu n’a pas été choisi au hasard. A deux pas du Palais fédéral, investigativ.ch et le magazine alémanique Republik ont voulu rappeler que les enquêtes journalistiques sur les technologies sont avant tout une affaire politique.

De plus en plus d’affaires de politique numérique dominent en effet l’agenda sous la Coupole. A l’instar de l’eID, de l’eVoting ou encore de la CovidApp qui a dominé les débats durant les deux ans de pandémie. La journaliste d’investigation et son collègue Patrick Seemann, tous deux enquêteurs pour Republik et contributeurs au blog Das Netz Ist Politisch, ont abordé cet aspect dans leur présentation d’introduction.

Dans les coulisses du journalisme d’investigation sur le numérique

La discussion s’est enchaînée avec la vision, l’expérience et les contributions de la journaliste allemande Eva Wolfangel, qui a souligné en préambule la sollicitation croissante des médias en tant qu’observateurs critiques des enjeux numériques. Dans le cadre d’une série d’articles pour l’hebdomadaire allemand DIE ZEIT, la journaliste s’est immergée dans l’intimité de l’application allemande Luca, développée par des particuliers pour le traçage des cas Covid-19. Au fil de ses enquêtes, Eva Wolfangel a mis à jour les failles de sécurité; de même que les problèmes de communications ainsi que les pratiques commerciales douteuses des fondateurs de Luca.

Ses enquêtes et ses recherches lui ont valu le Prix Surveillance Studies 2022. Récemment, son livre «Ein falscher Klick – Hackern auf der Spur: Warum der Cyberkrieg uns alle betreffen» («Un faux clic – sur la piste des pirates informatiques: pourquoi la cyberguerre nous concerne tous») a été publié, avec des reportages passionnants (et bien réels!) sur le monde des pirates informatiques.

Encore beaucoup de potentiel en Suisse

En Suisse aussi, il y a beaucoup de potentiel pour les enquêtes d’investigation sur le présent et le devenir de notre société numérique. Pour la RTS, il avait révélé dans une série documentaire les côtés sombres de Crypto SA – avant même qu’ils ne deviennent un sujet de discussion en Suisse alémanique. Le fait que de nombreux récits de ce type soient encore quasiment en friche a été l’occasion pour lui d’appeler les journalistes à ne pas se laisser décourager par le thème de la cybersécurité. Il n’est pas nécessaire de savoir programmer pour mener des enquêtes d’investigation dans le monde numérique, a déclaré Mehdi Atmani.

Hakan Tanriverdi de la radio bavaroise («Bayerischer Rundfunk») était également d’accord. Il a donné un aperçu de ses enquêtes dans le monde des pirates informatiques, car lorsque ceux-ci espionnent des entreprises ou des gouvernements, ils laissent presque toujours des traces numériques. Le journaliste d’investigation allemand a montré des astuces et des outils permettant de démasquer les fraudeurs. Lui aussi, a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de savoir programmer.

Jens Kaessner a laissé entendre que les professionnels des médias ont une fonction de contrôle importante dans les nouveaux projets numériques, qu’il s’agisse d’initiatives privées ou publiques. Le responsable suppléant du droit des télécommunications à l’Office fédéral de la communication (OFCOM) a discuté avec Timo Grossenbacher d’investigativ.ch sur les tenants et aboutissants de la numérisation, de l’informatique et de la société.

Du réseautage au-delà des frontières rédactionnellese

Le réseau d’enquête investigativ.ch et le magazine en ligne Republik tirent un bilan positif de la première Swiss Tech Journalism Conference. L’intérêt était grand – il est intéressant de constater qu’il ne provenait pas uniquement des professionnels des médias, mais aussi d’informaticiens engagés et d’autres personnes du secteur informatique. Les discussions intéressantes se sont poursuivies lors de l’apéritif qui a suivi.

La manifestation, qui s’est déroulée dans les deux langues grâce à une traduction simultanée, a bénéficié du soutien financier de la Fondation Gottlieb et Hans Vogt. Timo Grossenbacher, membre du comité d’investigativ.ch et responsable du journalisme automatisé chez Tamedia, a animé la soirée.

Atelier: OSINT et extrémisme

Le réseau d’enquête investigativ.ch organise une formation sur la haine en ligne avec un expert de la question qui propose des clés méthodologiques pour initier des enquêtes en sources ouvertes. La formation a lieu à Genève le 3 décembre 2022. Les membres d’investigativ.ch bénéficient d’un tarif réduit (80 CHF au lieu de 120 CHF).

Programme

Haine en ligne – Clés méthodologiques pour initier des enquêtes en sources ouvertes

Organisés, fonctionnant en meute et attachés à leur anonymat, les extrémistes savent utiliser les ressources du web à bon escient, à la fois pour servir leur cause, pour faire passer leurs messages mais aussi pour garantir une certaine discrétion, autant que faire se peut.

Fréquemment citées depuis le début de la guerre en Ukraine, les techniques de recherche en sources ouvertes représentent un atout très intéressant quand on enquête sur les extrémistes, car elles permettent entre autres l’identification de personnes, essentielle quand on enquête sur la haine en ligne. A travers de multiples cas d’usage et des mises en application relativement peu techniques, le participant à cette journée d’initiation repartira d’abord avec des clés méthodologiques plus qu’avec des noms d’outils informatiques, les premiers outils de l’enquêteur étant d’abord son sens de l’intuition et sa capacité à prendre du recul!

  • Module « Attention à vous: protégez votre identité »
  • Module utilisation de PimEyes
  • Module « Savoir exploiter les leaks et les dox existants »
  • Module « Savoir regarder sur les bons sites » (stormfront.org, archive.org, vk.com)

Formation donnée par un membre d’Open Facto, animateur du compte @__osint__ et collaborateur de Mediapart et Libération.

Date: Samedi, 3 décembre 2022
Heure: de 10h à 17h30
Lieu: RTS Genève (Quai Ansermet 20, 1211 Genève), rendez-vous à la réception.
Frais: 80 CHF pour les membres, 120 CHF pour les non-membres (repas non pris en charge)
Merci d’apporter vos ordinateurs pour la formation pratique.
Confirmation: Votre inscription sera confirmée une fois que nous avons reçu le paiement.

Inscription atelier OSINT et extrémisme

Inscription atelier OSINT et extrémisme

investigativ.ch
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Lutte contre les procès-bâillons «SLAPP»

Le 11 mai 2022, le Conseiller national Raphaël Mahaim (Les Vert-e-s/VD), membre de la CAJ-N, a déposé l’initiative parlementaire 22.429 «Procès-bâillons en Suisse. Pour une réglementation protégeant mieux la liberté de la presse».

Cette initiative parlementaire vise à créer une base légale permettant de mieux cadrer les procédures-bâillons en Suisse. Le droit de la population à l’information et la liberté des médias seraient ainsi mieux protégés et renforcés de manière significative dans notre pays.

Une large alliance du paysage médiatique suisse – dont investigativ.ch – soutient cette démarche et s’engage avec conviction en faveur d’une meilleure protection contre les procédures-bâillons, désignées également sous l’acronyme SLAPP (strategic lawsuits against public participation).

Que sont les SLAPP?

Les procès-bâillons, les SLAPP, sont des actions en justice téméraires visant spécifiquement à intimider les professionnels des médias, les éditeurs ou les ONG pour contraindre ces derniers à une autocensure de fait. De telles plaintes sont déposées même si elles n’ont aucune chance d’aboutir sur le fond devant un tribunal. Elles obligent cependant les médias ou les ONG mis en cause à consacrer d’importants moyens à leur défense sur le plan juridique.

Compte tenu notamment de la récente révision de l’art. 266 lettre a CPC, laquelle renforce les mesures à l’encontre des médias, il ne fait aucun doute que des procès-bâillons se multiplieront dans notre pays ces prochaines années. Concrètement, il existe un risque réel que les professionnels des médias hésitent à l’avenir à parler d’un plaignant qui aura précédemment menacé ceux-ci de conséquences juridiques funestes.

Le «Plan d’action national pour la sécurité des journalistes en Suisse» (PAN), lancé cette année par l’Office fédéral de la communication, montre que les SLAPP posent également un problème en Suisse. Les plaintes abusives – et la manière dont on peut protéger le journalisme contre ces dernières – constituent précisément l’un des thèmes centraux de ce plan d’action.

Les SLAPP sont un problème majeur, en particulier pour les petits médias

Si l’instrument des actions judiciaires contre les médias est utilisé de manière stratégique et abusive, il peut fortement entraver, voire empêcher, le travail d’investigation des rédactions pourtant si essentiel au bon fonctionnement de notre démocratie. Alors que les grandes entreprises de médias, qui disposent souvent de leur propre service juridique, sont à même de se défendre plus aisément, ce sont surtout les médias de petite et de moyenne taille qui ne peuvent, dans les faits, contrer des plaignants abusifs. En effet, l’investissement en temps et en argent nécessaire pour s’opposer à une procédure-bâillon en justice est élevé et dépasse les moyens d’un média de petite ou de moyenne taille.

Une meilleure protection contre les SLAPP empêcherait que des acteurs disposant de ressources financières importantes ne puissent faire pression sur certains médias dans le seul but d’empêcher la publication de contenus rédactionnels critiques à leur égard, un procédé qui contrevient à la liberté des médias. Il existe de nombreux exemples de médias suisses qui ont subi de telles pressions: Gotham City et Vigousse, en Suisse romande, ou la Schaffhauser AZ, en Suisse alémanique, ont tous été l’objet de telles plaintes abusives qui ont entravé l’exercice de leur activité journalistique de manière notable.

Les mesures contre les SLAPP peuvent être introduites dans le droit suisse

Il n’y a pas qu’en Suisse que les SLAPP posent problème: l’UE s’est déjà penchée sur la question et a publié un projet de nouvelle directive en avril 2022, laquelle doit permettre aux tribunaux de rejeter rapidement les procédures manifestement dénuées de fondement engagées contre des journalistes et des personnes actives dans la défense des droits de l’homme. Elle prévoit en outre une série de garanties procédurales et de recours, dont des dommages-intérêts et des sanctions dissuasives contre les plaintes abusives.

De nombreux autres États, notamment les États-Unis, ont également adopté des lois visant à limiter les effets négatifs des procès-bâillons. La Suisse peut donc s’inspirer des évolutions au plan international pour résoudre ce problème.

Une liberté des médias sous pression

A cela s’ajoute que la récente révision de l’article 266 lettre a du Code de procédure civile aura pour effet de restreindre la liberté des médias en Suisse, dans la mesure où les obstacles aux mesures superprovisionnelles, donc potentiellement aussi aux plaintes abusives, ont été assouplis à la faveur de cette révision.

Dans le classement international de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, la Suisse a reculé à la 14e place cette année, un recul également dû à l’article 47 de la Loi sur les banques. Plus récemment encore, le projet de révision de la Loi sur le renseignement affichait d’inquiétudes velléités de limiter la protection des sources dont bénéficient les journalistes.

On le voit: le cadre juridique des professionnels des médias se détériore fortement en Suisse. L’initiative parlementaire de Monsieur le Conseiller national Mahaim, qui, en tant qu’avocat, lutte contre les procédures-bâillons dans le cadre son activité professionnelle, constitue une demande particulièrement urgente. Elle permettrait de créer un cadre légal indispensable pour protéger davantage les médias contre des abus de droit.

Ce texte provient de la prise de position commune signée et envoyée aux parlementaires par l’Alliance des médias, composée entre autres d’investigativ.ch, Médias Suisses, l’association Médias d’avenir, le Conseil suisse de la presse, SRG SSR, syndicom, impressum, SSM, Reporters Sans Frontières, Loitransparence.ch, etc.