Le co-président Marc Meschenmoser à propos de SwissSecrets

Les journalistes suisses qui publieraient des documents bancaires confidentiels risquent de faire l’objet d’une procédure pénale. Cela ne doit pas être le cas, affirme Marc Meschenmoser, co-président d’investigativ.ch, dans une interview.

Plus de 160 journalistes du monde entier ont contribué à l’enquête baptisée SwissSecrets – mais aucun en Suisse. Chez nous, les journalistes risquent, selon l’article 47 de la loi fédérale sur les banques et les caisses d’épargne, une peine d’emprisonnement ou une amende s’ils diffusent des données bancaires secrètes. La radio allemande M94.5 a voulu savoir ce que cela signifie pour les journalistes suisses.

Bettina Büsser de Reporters sans frontières Suisse trouve cette situation intolérable: «C’est une menace pour la liberté d’information, c’est inadmissible!». Elle se réjouit néanmoins que le sujet ait été mis en lumière: il est à présent possible d’entreprendre quelque chose.

La pression de l’opinion publique pourrait conduire à un changement de mentalité, estime également Marc Meschenmoser, co-président d’investigativ.ch: «Des politiciens ont approché des journalistes d’investigativ.ch, leur disant qu’ils souhaitaient agir. Ils trouvent cela tout aussi inacceptable que notre réseau suisse des journalistes d’investigation».

Marc Meschenmoser affirme que l’article de censure actuel doit être aboli pour les journalistes d’investigation. «Nous demandons que, lorsque des journalistes d’investigation publient des relevés bancaires, les tribunaux puissent à l’avenir considérer qu’un intérêt public supérieur prévaut.»

Une intervention a déjà été déposée au Conseil national: le groupe socialiste demande que la lettre c de l’alinéa 1 de l’article 47 soit supprimée sans être remplacée (22.408). Le conseiller national vert’libéral Beat Flach a de son côté demandé au Conseil fédéral si cet article ne limitait pas le travail des journalistes. Le Conseil fédéral lui a répondu ne pas avoir connaissance de plainte contre un journaliste en raison de la loi (22.7007).

L’émission sur M94.5.

SAVE THE DATE: AG & conférence annuelle le 13 mai 2022 à Olten

De nombreuses rédactions mettent en place des bureaux dédiés à l’investigation ou investissent dans le journalisme d’enquête. Nous jetons un coup d’œil en coulisses: comment le journalisme d’investigation peut-il être rentable? Quels sont les modèles économiques envisageables? Et quels sont les outils qui permettent de pratiquer le journalisme d’investigation en dehors du stress quotidien?

Après une année 2021 majoritairement marquée par le numérique, nous avons le plaisir de vous inviter ce printemps à une grande conférence annuelle le vendredi 13 mai après-midi à Olten.

Nous sommes en train d’élaborer une fois de plus un programme passionnant et, nous l’espérons, instructif avec des invité-e-s renommé-e-s, des ateliers, des discussions et un apéritif de réseautage! Notez déjà la date dans votre agenda, plus d’informations suivront bientôt.

investigativ.ch salue le pas du Conseil des Etats vers plus de transparence

Le Conseil des Etats a décidé aujourd’hui par 25 voix contre 18 et une abstention d’entrer en matière sur la proposition d’exonération des émoluments dans le cadre de la loi sur la transparence. La plateforme Loitransparence.ch et le réseau d’enquête investigativ.ch sont ravis de ce revirement de la Chambre des cantons.

Alors que sa commission compétente refusait d’entrer en matière sur l’initiative parlementaire de la conseillère nationale Edith Graf-Litscher, le Conseil des Etats a, lui, reconnu la nécessité d’adapter dans la loi les règles relatives aux émoluments. Cette décision ouvre la voie à un accès en principe gratuit aux documents de l’administration.

Par le passé, les médias ont pu à plusieurs reprises attirer l’attention sur des erreurs et des manquements au sein de l’administration grâce à la loi sur la transparence. Il est toutefois arrivé que des rédactions doivent aller jusqu’au Tribunal fédéral pour contester des émoluments réclamés par l’administration. Les juges ont considéré en 2013 que des frais même modestes de 100 ou 200 francs peuvent être dissuasifs et faire obstacle à la transparence.

La décision de ce jour est également réjouissante du point de vue des citoyennes et des citoyens. Un fossé est en effet apparu ces derniers mois entre une part étonnamment importante de la population et l’administration. Il n’est dans cette situation pas opportun que l’accès à l’administration soit compliqué par des émoluments. Les lois sur la transparence de la Confédération et des cantons ont pour but de renforcer la confiance de la population en ses autorités politiques.

Les principales organisations de la branche des médias en Suisse (la SSR, Médias Suisses, Tamedia, Ringier, etc.) et plus de 600 professionnelles et professionnels des médias parmi lesquels 50 rédactrices et rédacteurs en chef (du Temps, de la NZZ, de Tamedia et de CH Media notamment) ont adressé une lettre ouverte au Parlement pour lui demander de supprimer les émoluments facturés pour l’accès aux documents de l’administration. Loitransparence.ch et investigativ.ch ont coordonné cette action.

Rencontre avec les autrices du «Dossier Urwyler» sur Zoom

Dans «Le dossier Urwyler», un documentaire podcast en cinq parties publié par «Blick», les journalistes Charlotte Theile, Franziska Engelhardt et Monika Rufener (Elephant Stories) reviennent sur le combat de la médecin cheffe Natalie Urwyler.

Les autrices détaillent sa détermination à lutter, y compris devant les tribunaux, contre la discrimination dont elle a été l’objet à l’Inselspital à Berne, Hôpital universitaire de Berne. Notre «Fonds d’enquête de la Fondation Gottlieb et Hans Vogt pour investigativ.ch» a co-financé une partie de la recherche.

La discussion aura lieu le 11 novembre à 18h, en allemand, sur Zoom.

Atelier en ligne: qui se cache derrière un site web?

Jusqu’à fin 2020, les informations sur les détenteurs de site web étaient accessibles au public et constituaient un élément important de nombreuses enquêtes. Elles ne sont toutefois plus accessibles au public depuis la révision de l’ordonnance correspondante au début de cette année. investigativ.ch s’est entretenu avec l’OFCOM et le registre suisse des domaines SWITCH afin de trouver un moyen pour les journalistes de documenter «l’intérêt légitime» prévu par l’ordonnance pour obtenir malgré tout l’accès au registre.

Entretemps, nous avons élaboré avec SWITCH une marche à suivre pour les journalistes pour les demandes d’informations sur un détenteur. Nous montrerons comment le formulaire type doit être rempli et quelles indications supplémentaires sont importantes pour de telles requêtes.

SWITCH: comment obtenir les informations sur les détenteurs de domaine en tant que journaliste

12 octobre, de 13h30 à 14h15, en allemand

Atelier en ligne avec Otto Hostettler (Beobachter) via Zoom

L’inscription n’est pas nécessaire. Voici le lien direct.

Le Sabot d’or extraordinaire 2021 attribué au conseiller aux Etats PLR Thomas Hefti

Attaque contre la liberté de la presse: le conseiller aux Etats PLR Thomas Hefti veut plus facilement empêcher la publication d’articles critiques. Raison pour laquelle nous lui avons décerné notre Sabot d’or extraordinaire.

Co-président Marc Meschenmoser avec le Sabot d’or 2021

Le Parlement examine en parallèle plusieurs objets qui pourraient tant restreindre la liberté de la presse que péjorer les conditions d’enquête des journalistes en Suisse. C’est pourquoi le réseau d’enquête investigativ.ch a remis cette année un Sabot d’or extraordinaire au conseiller aux Etats Thomas Hefti (GL, PLR). On lui doit une proposition visant à renforcer l’article 266 du Code de procédure civile et à faciliter la prise de mesures provisionnelles contre les médias.

«Le conseiller aux Etats Thomas Hefti a profité de la confidentialité d’une séance de commission pour lancer l’attaque la plus grave contre le journalisme critique», a expliqué Marc Meschenmoser, co-président d’investigativ.ch. Concrètement, il vise les limites fixées à un tribunal pour ordonner des «mesures provisionnelles contre un média à caractère périodique». Entre autres critères, un «préjudice grave» suffira prochainement à justifier l’interdiction d’une contribution journalistique, alors qu’un «préjudice particulièrement grave» était jusqu’ici nécessaire. Le Conseil des Etats a entériné cette proposition par 30 voix contre 12.

Les journalistes ainsi que les spécialistes du droit des médias mettent en garde contre cette atteinte à la liberté de la presse. Ils parlent d’un véritable article-muselière. L’avocat Matthias Schwaibold a récemment écrit tenir cette modification pour une «attaque frontale contre la liberté de la presse» dépourvue de raison, la barre étant déjà placée bas quant aux exigences à remplir pour obtenir des mesures superprovisionnelles empêchant une publication. «Le politicien libéral a vraisemblablement peu confiance en la justice, qui peut déjà interdire des enquêtes portant atteinte aux droits de la personne», a déclaré Marc Meschenmoser.

Investigativ.ch remet chaque année depuis 2004 un Sabot d’or comme «récompense» aux pires empêcheurs d’informer. Avec ce prix, le réseau de recherche des journalistes d’investigation en Suisse veut mettre en lumière ces obstructions et en faire l’objet d’un débat. Le Sabot d’or extraordinaire a été remis cette année à Bienne dans le cadre de la rencontre annuelle d’investigativ.ch. Thomas Hefti n’a pas souhaité recevoir ce prix en personne. «En tant que représentant du peuple, Thomas Hefti a refusé un débat public, avec les journalistes d’investigativ.ch, sur son amendement. Il s’est montré tout à fait digne de son Sabot d’or extraordinaire», a souligné Marc Meschenmoser.

Fiona Endres, membre du comité d’investigativ.ch, devient co-directrice du nouveau bureau d’enquête de SRF

SRF met en place un nouveau bureau d’enquête. Les deux journalistes de l’émission «Rundschau» Fiona Endres et Nina Blaser  en prennent conjointement la tête.

Bonne nouvelle pour le journalisme d’investigation en Suisse: SRF crée un «desk d’investigation» pour renforcer le journalisme de fond. Ce bureau d’enquête produira principalement des contenus pour les chaînes numériques et n’est pas rattaché à un programme radio ou télé spécifique. Les enquêtes seront publiées dans différents formats sur SRF.

Fiona Endres, membre du comité d’investigativ.ch, et sa collègue de la «Rundschau» Nina Blaser en assument la co-direction. Fiona Endres travaille pour l’émission «Rundschau» depuis 2017 et s’occupe principalement de sujets liés à la politique, l’environnement, l’économie et l’asile.

Son enquête sur l’«affaire Crypto» l’automne dernier lui avait valu ainsi qu’à ses collègues d’être élus journalistes suisses de l’année. La codirection du bureau lui permettra, ainsi qu’à Nina Blaser, de continuer de mener elle-même des enquêtes importantes avec la ténacité qui est la sienne.

L’équipe principale de «SRF Investigativ» est par ailleurs au complet: Leo Eiholzer, Ben Heubl, Maj-Britt Horlacher, Simon Jäggi, Philippe Odermatt, Stefanie Pauli, Andreas Schmid et Nadine Woodtli ont été recrutés parmi plus de 100 candidats. En outre, d’autres rédactrices et rédacteurs spécialisé-e-s de SRF pourront temporairement rejoindre le bureau d’enquête pour leurs propres projets.

Invitation à la fête annuelle d’investigativ.ch

Nous invitons tous les membres et toutes les personnes intéressées à notre fête annuelle à Bienne! Nous nous retrouverons pour un échange chaleureux autour d’une bière, d’un verre de vin et d’une collation l’après-midi du samedi 11 septembre.

A la santé du journalisme! Parfois révélatrices et passionnantes, parfois interpellantes et stimulantes, les enquêtes sont indispensables au journalisme, les enquêtes sont indispensables au journalisme. Elles sont sa sève – et révèlent souvent ce qui est caché.

Nous voulons réfléchir à ce qui fait l’essence de ce genre. Avec plaisir et enthousiasme, dans une atmosphère détendue sur les rives du lac à Bienne. A l’occasion de sa fête annuelle, investigativ.ch, le réseau suisse des journalistes d’investigation, vous prépare un petit sommet de la branche.

Cécile Tran-Tien (RTS) et Philippe Reichen (Rédaction Tamedia) nous diront pourquoi ce métier les passionne en dépit des difficultés. Et nous remettrons le Sabot d’Or 2021. Mais nous voulons avant tout laisser la place à la discussion, au réseautage et à l’échange d’expériences. Evidemment autour d’une bière, d’un verre et de vin et d’une collation.

Le nombre de places étant limité, il est impératif de vous inscrire.
Participation aux frais: 10.- pour les membres, 20.- pour les non-membres.

Nous nous réjouissons de vous retrouver !

Meilleures salutations,

L’équipe d’investigativ.ch

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Date: 11 septembre dès 15h

Lieu: Dock4 à Biel-Bienne

Accès: Avec le train sans changement depuis Zurich (1h09), Berne (28 minutes), Bâle (1h07) et Lausanne (1 heure).

Programme: Interventions de Cécile Tran-Tien (RTS) et de Philippe Reichen (Tamedia), remise du Sabot d’Or, apéro riche en toute convivialité

Participation aux frais: 10.- pour les membres, 20.- pour les non-membres

Inscription: Le nombre de places étant limité.

Marc Meschenmoser nouveau coprésident d’investigativ.ch

La présidence d’investigativ.ch se renforce: Marc Meschenmoser est le nouveau coprésident du réseau suisse des journalistes d’investigation.

Déjà élu par les membres lors de l’assemblée de l’année dernière, Marc Meschenmoser (cf. portrait) a officiellement pris ses fonctions ce mois-ci. Son mot de bienvenue:

«Comment sauver l’enquête dans cette nouvelle ère qui s’ouvre pour le journalisme? Les éléments essentiels sont connus de tous: de nombreux éditeurs considèrent le plus souvent l’enquête comme une dépense et non comme un investissement à long terme et prennent des mesures d’économies qui diminuent le nombre de journalistes dans ce domaine. Alors que les autorités, l’économie et les organisations multiplient les postes de relations publiques.

Mon objectif, en tant que nouveau coprésident, avec la coprésidente Cathrin Caprez, le comité et bien sûr vous tous, est de redonner une voix forte à notre organisation. Investigativ.ch doit être pris au sérieux dans la Berne fédérale et veut aussi se renforcer en tant que plateforme d’échange et de formation continue pour les journalistes d’investigation.

Ce type de journalisme doit être renforcé en Suisse. Car ce que nous avons réalisé est aujourd’hui menacé par des politiciens qui entendent réduire la liberté de la presse et par la pression mise sur toujours plus de rédactions pour réaliser des économies qui rendent la pratique de l’enquête plus difficile. Merci pour votre soutien et votre participation active.»

L’article «muselière» ne protège pas les personnes qu’il prétend protéger

L’association investigativ.ch est déçue de la décision du Conseil des Etats concernant les mesures provisionnelles, une décision qui donne encore plus de pouvoir à des personnes influentes pour censurer des enquêtes journalistiques gênantes.

Actuellement déjà, les juges peuvent stopper préventivement des publications ou des émissions lorsque les plaignants font valoir que la protection de leur personnalité est mise en danger. Le principe est bon: il s’agit d’empêcher des critiques infondées ou de graves dommages pour l’image lorsque l’information qui doit être diffusée ne revêt que peu ou pas du tout d’intérêt public.

Mais, en réalité, cette possibilité est souvent utilisée par des personnes influentes pour empêcher la diffusion d’informations gênantes les concernant, par exemple des accusations de corruption, de blanchiment d’argent ou de fraude fiscale. Les criminelles et criminels économiques ont aussi, souvent, les ressources financières pour saisir la justice, avec les avocats les plus aguerris à ce type de démarche, et obtenir des mesures empêchant ou repoussant la diffusion. Lutter contre ces démarches coûte aujourd’hui déjà beaucoup (trop) d’argent aux journalistes visés.

Lors de la session d’été, le Conseil des Etats a facilité l’obtention de ces mesures en supprimant un mot dans l’article du Code de procédure civile qui règle les mesures provisionnelles. En effet, en l’état, la justice exige que l’atteinte soit «propre à causer un préjudice particulièrement grave». La Chambre des cantons a supprimé l’adverbe «particulièrement.» Les sénatrices et sénateurs estiment qu’il faut rétablir l’équilibre en faveur des droits de la personnalité de Madame et Monsieur Tout-le-monde. Ils ont ainsi jugé caduc un équilibre qui avait pourtant été élaboré par deux groupes d’experts.

En réalité, la suppression du mot «particulièrement» ne protègera pas les «simples» citoyennes et citoyens. Ce sont les personnes influentes qui obtiendront, avec cette réforme, davantage de munitions pour bloquer encore plus facilement une publication ou une diffusion. La décision du Conseil des Etats met en danger la liberté de la presse et ne va absolument pas dans le sens de la transparence et des intérêts publics.

Investigativ.ch est déçue de cette décision. Nous demandons au Conseil national de remettre ce dossier sur les bons rails, en écoutant les représentantes et représentants des médias et en maintenant l’adverbe «particulièrement» dans l’article 266 du Code de procédure civile. Le texte actuel suffit, le Conseil fédéral en est également convaincu. Un changement dans le sens voulu par le Conseil des Etats entravera le travail journalistique et pourrait empêcher de faire la lumière sur des délits et des crimes.